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Il n’a pas fallu bien longtemps pour que la belle unité de dimanche dernier se fissure... Un gigantesque pugilat à coup de mots, d’insultes et d’invectives se joue actuellement sur le Net et révèle un immense quiproquo entre gens qui se croyaient d’accord.
Sous le coup de l’émotion et de la révolte, « Je suis Charlie » a fleuri dans les cœurs et dans les rues et chacun de nous a cru penser comme son voisin.
A la réflexion, on s’est très vite aperçu que le slogan ne signifiait pas la même chose pour tous. Bien sûr, il signifiait notre indignation et notre tristesse. Mais au-delà ?
Pour les uns, il se voulait un soutien à la liberté de la presse. Pour les autres, c’était la liberté d’opinion, pour les autres, la liberté d’expression (ce qui n’est pas la même chose). Pour certains, c’était simplement un hommage aux morts. Pour quelques uns, c’était un défi lancé à la face du monde. Même pas peur ! Facile de ne pas avoir peur à l’abri, bien au chaud en France.
Eh bien, si ! Il convient d’avoir peur. D’abord peur pour notre avenir d’hommes libres bien sûr. Mais aussi (et tout autant) peur pour les autres, ceux qui meurent au loin sans même avoir rien réclamé. Qui meurent parce que nous ne savons pas nous exprimer à bon escient. Parce que nous adorons rouler des mécaniques et jouer les matamores !
S’exprimer, s’exprimer... mais qu’est-ce que ça veut dire ? Une explosion d’adolescent en crise ?
Car il n'y a pas d'expression sans communication sauf peut-être (et encore...) chez les fous.
Or, l’expression, dans les circonstances présentes, exige plus que jamais le sens de la communication. En nulle occasion, on ne s’adresse à quelqu’un sans tenir compte de ce qu’il est, de ce qu’il sait, de ce qu’il peut comprendre.
Or, toute forme de communication, a fortiori toute caricature, exige de son auteur un minimum de respect de l’autre. Un bras d’honneur engendre rarement le dialogue.
Alors, bien sûr, nous avons beau jeu, en France, de nous réclamer de Voltaire et des Lumières. Mais n’est-ce pas faire preuve d’un singulier ethnocentrisme que de mépriser et moquer les croyances des autres ? Le sens de la relativité devrait nous rendre plus modestes.
J’ai lu quelque part : « Ils n’ont qu’à ne pas lire nos journaux ! ». Un peu facile non ? Alors, je peux raconter impunément n’importe quoi sur n’importe qui sous prétexte qu’il n’a qu’à se boucher les oreilles ?
Bien sûr, nous avons le devoir de nous opposer à la tyrannie et à l’aveuglement. Mais la violence des mots comme des images ne nous sera d’aucun secours. Elle ne sert qu’à attiser la haine.
Commençons par parler entre nous sans colère. Est-ce la guerre que nous aimons ?
Jaô-Paô