Lors de rencontres avec mes lecteurs, la question revient régulièrement: quelles sont vos sources d'inspiration?
A vrai dire, je ne saurais répondre précisément.
Ce qui est sûr, c'est que je ne prémédite pas mes romans. Je suis incapable de prévoir un plan, une structure, voire une intrigue. C'est pourquoi, je serais un très mauvais auteur de romans à suspense. Je ne saurais (et je n'en ai pas la moindre envie) écrire un polar, bien qu'il m'arrive d'en lire..
Généralement, le point de départ est une émotion. Un regard, un visage, une musique, un événement, une rencontre, un souvenir, un paysage... et le processus est lancé (1).
Pour donner quelques exemples:
- Sans oublier la nuit, mon premier roman, fut inspiré par la catastrophe du Koursk et par un quatuor de Dvorak qui fit naître en moi l'image de ce couple qui marche dans la nuit et par une vieille femme dont la rencontre, dans une maison de retraite, m'a bouleversé...
- Dans l'ombre de Venise a été en partie inspiré par cet homme entrevu, à Torcello, à sa fenêtre. Mais, pour partie aussi, par l'attentat de Bologne.
- La caresse du temps est le fruit de mes souvenirs familiaux. Quelques effluves de violette...
-Tango pour une voix... Le titre parle tout seul.
- La Rochelle sans toi, comme j'ai eu l'occasion de le répéter, est né de cette vision d'un couple sur le port de La Rochelle. Un couple qui passait régulièrement devant le café où je m'attablais, jusqu'au jour où je me suis rendu compte que quelque chose n'allait plus.
J'écris un mot en résonance avec cette émotion et puis un autre au gré du vent, au gré du hasard, au gré de cette mystérieuse source qui sourd en chacun de nous. Les mots suivent ou ne suivent pas. Ils se précipitent ou ralentissent. Des images naissent, d'autre meurent. Les mots sont les maîtres du jeu. C'est en quoi l'écriture est pour moi une sorte de mélodie. Je l'écoute, j'écris sous sa dictée en fuyant tout pathos. Et je bannis inexorablement toute phrase, toute expression qui manquent d'harmonie (sauf si, évidemment, le contexte l'exige).
La plupart du temps, je n'ai aucune idée du dénouement. Il m'apparaît au détour d'une page. Mais je ne me l'impose pas. Il peut varier, évoluer, je fais confiance à ce qu'on appelle l'inspiration que je ne saurais contrôler mais qui me guide dans le labyrinthe de la création.
Qui me conduit vers ce miroir, vers cette image que je n'ose pas regarder...
C'est vous, lecteurs, qui me la montrez. Et je tiens à vous en remercier.
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(1) C'est le cas aussi pour les textes humoristiques... Ainsi, Le roman qui nous racontait des histoires est né de la vision d'un livre abandonné et démembré. Quant aux nouvelles de Propos inconvenants, c'est un immense éclat de rire en hommage à Perec.