Vous reprendrez bien une nouvelle dans l'air du temps? Une nouvelle qui fait la preuve que l'on peut totalement et aisément se passer du genre masculin? Allez..."suivez-moi", comme dirait l'autre! C'est rien que pour rire! Et c'est gratuit.
Sans concession ou la revanche des femmes
Gertrude avait banni de sa vie toute présence masculine, y compris dans sa façon de s’exprimer. Toute forme, toute tournure masculine étaient exclues de sa grammaire et de sa langue.
Seulement voilà, Gertrude s’ennuyait et se mit à espérer une approche (la moins compromettante possible) de la gent masculine et elle s’était enfin résolue à éplucher les annonces de rencontre. L’une d’entre elles retint enfin son attention.
Elle l’avait d’abord lue avec toute la circonspection dont elle était capable mais elle fut séduite par sa formulation et sa tonalité. Alors, elle y répondit non sans une certaine appréhension.
Certes, Gertrude ne correspondait en rien à l’image de la femme recherchée mais au moins, désormais, elle savait à quoi s’en tenir et, plutôt que de se dissimuler derrière une apparence trompeuse, elle décida d’assumer sa personnalité.
D’accord, elle n’était pas particulièrement jolie et son allure virile l’avait toujours desservie. Au lieu de la dissimuler, elle la mettrait en évidence. Une heure avant la rencontre, elle se maquilla à peine. Une touche de ces mixtures que les femmes se mettent sur la figure et sur le peau et elle se sentit tout autre.
Elle enfila une robe qu'elle s'était tricotée et jeta sur ses épaules une pelure d'une couleur incertaine.
En arrivant dans la salle de la brasserie où devait se tenir la rencontre, elle jeta une œillade complice à la tenancière de la gargote qui la reconnut et lui envoya une petite bise de la main. Mais elle eut beau regarder alentour, elle ne remarqua nulle personne qui correspondît à son attente. Elle s'inquiéta et s'assit sur une banquette recouverte d'une peausserie patinée. Enfin, elle entendit une voix qui lui disait : « Je suis là. »
Elle se retourna et repéra la bouche qui avait émis cette phrase.
Elle se leva et s'assit sur une chaise qui faisait face à cette personne à l'allure plutôt masculine.
Une discussion s'engagea. Gertrude apprit qu'elle avait affaire à une sage-femme (on ne pouvait dire autrement puisque la forme masculine de cette expression n'existe pas) qui venait de quitter l'armée où sa fonction de sentinelle avait fini par la lasser, voire l’exaspérer.
Finalement, Gertrude se prit de sympathie pour cette curieuse créature et elle accepta de la revoir la semaine suivante. Ainsi naquirent leurs amours inattendues.
Comme une telle aventure n’était pas banale, elle décida d’en faire une nouvelle qu’une éditrice féministe accepta aussitôt de publier sans une once d’hésitation à la condition expresse qu’elle obéisse à une seule règle édictée et revendiquée dès les premières lignes.